Lise Hervio

Comédienne et danseuse, Lise Hervio se forme également à l’art du clown. Riche de tous ces apprentissages, elle s’engage dans la mise en scène en créant en 2013 la compagnie Entre les Gouttes. C’est le début d’une collaboration avec l’auteur jeunesse Stéphane Jaubertie : Livère en 2017 et Laughton en 2019. Avec ces deux pièces, elle raconte les métamorphoses de la jeunesse au rythme des saisons et nous fait toucher de manière sensible les enjeux de l’enfance et de l’adolescence.

Livère met en scène un enfant, Moi, et une adolescente, Livère. Ne s’agit-il pas de la rencontre de deux solitudes ?

Ces deux personnages, Livère et Moi, représentent en effet deux êtres solitaires, voire peut-être un seul… Si celui de Moi est visible, vraisemblable, sur le plateau, celui de Livère est plus ambigu. Existe-t-elle vraiment, cette jeune fille ? Est-elle le fruit de l’imagination du jeune garçon, le temps d’un hiver justement ? A-t-il créé cette sœur tandis que ses parents vivent une histoire d’amour qui s’achève ? J’essaie de maintenir dans la mise en scène ces interrogations…

Les blessures de ces deux solitudes parlent-elles aux enfants d’aujourd’hui ?

Moi fait preuve d’une grande lucidité envers sa situation familiale. Comme beaucoup d’enfants, qui, eux-mêmes, ne manquent pas de nous faire part de leur propre situation lors des discussions qui suivent les représentations. Livère et Moi, dans leur singularité, sont à leur image. Dans cette pièce, ils se retrouvent dans leurs blessures communes, leurs secrets. Ce qui permet à une intimité de s’installer entre eux.

L’un quitte l’enfance, l’autre l’adolescence…

Livère comme Laughton, les deux textes de Stéphane Jaubertie, parlent des saisons. Ici, ces deux êtres sont en partance pour des âges nouveaux. Chacun change de saison de vie, aide l’autre à accomplir ce passage. Livère est dans la dureté de l’adolescence ; Moi vit dans son cocon. Livère lui permet de sortir de cette protection ; Moi, par sa tendresse, sa douceur, lui montre qu’elle n’est pas seule. Ils ont cette racine de fraternité.

Laughton signe une nouvelle collaboration avec l’écrivain Stéphane Jaubertie. En quoi son écriture vous séduit-elle ?

Depuis que Stéphane Jaubertie m’a fait lire ses premières pièces, je ne cesse de suivre son travail.Ensuite nous échangeons, il est à l’écoute de mes impressions. Ses pièces de « saison » racontent avec bonheur ce que c’est de grandir, la fin de l’enfance, de l’adolescence, comment il n’est plus possible de rester dans l’une comme dans l’autre…

Dans Laughton, le désamour est au centre de l’histoire, entre ce qui nous est raconté et ce que chacun choisit de se raconter…

Comment faire pour échapper à une réalité trop dure pour un enfant ? Ce peut être en se réfugiant dans la fiction. Avec le vœu d’alléger sa vie par des récits. Le personnage de Laughton agit ainsi, tout comme sa mère. Lui pour supporter la réalité, elle d’un point de vue plus obsessionnel. Ces personnages nous parlent : transformer la réalité, se transformer, c’est exactement le propre du théâtre !

Ne proposez-vous pas un théâtre de la métamorphose ? Avec des scénographies qui libèrent l’imaginaire ?

La métamorphose, à tous niveaux, est la grande symbolique de Laughton. Cet enfant craque, d’un point de vue autant physique que métaphorique. La mise en scène, par l’épaisseur des feuilles d’automne, le jeu avec le papier, y répond, comme le jeu de Kapla dans Livère. La « disparition » de Laughton, peut-être se décomposer pour se recomposer, prépare aussi à l’arrivée de l’hiver, ce qui n’empêche jamais aux saisons de revenir à nouveau…