Thomas de Pourquery

Par où commencer ? D’abord dire que Thomas de Pourquery joue du saxophone depuis son enfance. Qu’il est devenu un interprète aux multiples récompenses, aux nombreuses collaborations. Sans oublier d’ajouter qu’il chante aussi. Et bien sûr qu’il compose ! Avec des albums sous son nom, ou avec son groupe Supersonic, ou avec d’autres artistes. Que son jazz touche à la chanson. Également à la transe. Et qu’il vient à la Scène nationale du Sud-Aquitain avec trois spectacles, avec un trio, un orchestre de jazz, son groupe et des musiciens congolais…

La collaboration de votre groupe Supersonic avec des musiciens congolais témoigne à nouveau de votre intérêt pour la « Great Black Music ». Qu’en est-il de ces influences et comment s’est effectuée votre rencontre avec ces artistes africains ?

La Great Black Music… il y a tellement d’artistes ! N’en citer quelques-uns, c’est limiter le champ immense de mes admirations. Je pourrais convoquer Sun Ra, Marvin Gaye ou Franco, le héros de la rumba congolaise ! Je refuse toutefois de faire des distinctions au sein de la musique, noire ou pas. Ne compte au final que la Great Music ! Concernant plus précisément le jazz, la définition la plus juste, et magnifique, que je connaisse n’est-elle pas d’en parler comme « une musique qui se nourrit de toutes les autres » ? C’est valable pour la musique en général ! La rencontre des musiciens congolais s’est faite en toute simplicité… même si un coup de foudre est indispensable, coup de foudre musical qui se traduit aussi par de vraies relations amicales. Invités à jouer par les Instituts français de Pointe-noire et Brazzaville, j’ai fait part de notre désir de rencontrer des musiciens, de se mélanger avec eux une fois là-bas. Découvrir ces artistes de la République Démocratique du Congo, ce fut comme faire la connaissance de ses voisins de palier… Nous avons les mêmes influences musicales, mieux encore : nous sommes reliés par une énergie commune. Ils sont devenus depuis des sœurs et frères de vie et de musique. Avec Supersonic, nous pratiquons une musique répétitive – de la transe. Avec les percussionnistes Fabe Beaurel Bambi et Mohamed Sylla, et la chanteuse Bèrléa Dieuveille, nous nous sommes mis à travailler très simplement.

Le saxophone avec Supersonic, l’électro avec le duo vkng [prononcez viking], le chant avec des reprises de standards en compagnie du Red Star Orchestra : êtes-vous un artiste multiforme ? Et dans cette riche pratique musicale, que permet le disque et que permet le concert ?

J’ai toujours chanté et joué du saxophone. Pour moi, c’est comme respirer et expirer. Ces notions se répondent et ne peuvent exister l’une sans l’autre. Nous en revenons à la diversité fondamentalement importante de la vie. Je ne suis pas érudit ; des auteurs ont dit cela mieux que moi. Je cite La Fontaine, ces vers découverts adolescent : « Même beauté, tant soit exquise, / Rassasie et soûle à la fin. / Il me faut d’un et d’autre pain : / Diversité, c’est ma devise ». J’en ai conscience dans ma chair depuis mon plus jeune âge. Et je n’ai pas l’impression d’être schizophrène ! Quant au disque… il permet de faire des concerts ! C’est comme le théâtre et le cinéma ; il s’agit de deux arts complémentaires. Pour un acteur, ne s’agit-il pas de faire du spectacle vivant et poser des choses sur une pellicule ? Pareil pour un musicien. En studio, il est possible de refaire ; sur scène, la proposition est immédiate. Le disque confronte à l’écriture, à un travail du son. Il n’en reste pas moins que chez soi tout cela doit être agréable à entendre… Sur scène, le plaisir pour le public doit être aussi important que le nôtre. Seuls les codes diffèrent.

Le spectacle « Hommage à Nougaro », avec deux autres artistes, David Babx et André Minvielle, est une autre forme de collaboration musicale très réussie…

C’est un spectacle que nous donnons très rarement. Nous nous obligeons à ne pas le jouer plus de cinq fois dans l’année… sinon nous ne ferions que ça ! Nougaro était un immense génie français de la chanson. Quand vous lui consacrez un hommage, le public afflue ! Ce qui est normal, d’autant plus qu’André Minvielle est comme son fils spirituel, en tout cas son héritier le plus direct, le seul pour lequel Nougaro ait écrit des textes, ce qui est exceptionnel. Nous chantons d’ailleurs ces titres sur scène. Nous avons réalisé cet hommage de la manière la plus simple possible. Exactement comme des amis réunis dans un salon, interprétant leurs chansons préférées de ce grand artiste. Avec quelque chose de très charnel, très direct… et quelques surprises. À vrai dire, aussi parcimonieuses soient nos représentations, nous nous amusons beaucoup !